01/03/2023
Prêt pour le grand départ
Cinq ans, jour pour jour, depuis que tu es parti rejoindre les anges. J'espère qu'ils t'ont bien accueilli, que tu fais désormais parti des leurs. Et que ton magnifique regard et ton sourire enjôleur participent pleinement à l'éclat du firmament. Voici quelques lignes jetées sur le papier peu après ton départ. Elles me sont restées entre les mains comme une relique. Je les ai relues quelques fois, le cœur noué, sans jamais réussir à les partager. Comme si dans ce monologue improbable te mettant en scène face au mal qui t'as emporté, tu m'avais subrepticement demandé de prendre mon temps. D'attendre d'être apaisée face au vide et le manque de toi avant de faire entendre ta voix.
Prêt pour le grand départ
Viens, viens, qu’attends-tu ? Viens chercher ta pitance quotidienne, vieille crabe de malheur. Pas la peine de ralentir le pas, comme si tu avais un peu honte. Comme si tout d’un coup, tu éprouvais des remords! Viens grignoter mes poumons, bouffer mon foie à pleines dents. Viens Manger ma chair, ronger mes os. Viens m’empêcher de respirer, de bouger. Viens me tuer à petit feu.
Pourquoi ce cinéma, puisque tu es à présent bien installé dans tout mon corps? Tu y es à ton aise comme si tu étais chez toi.Tu exultes de me voir souffrir, tu triomphes tel un commandant de bataillon devant le corps inerte de l’ennemi. Des heures comme des mois, des jours comme des années. J’ai fini par m’habituer à ton insoutenable présence. Je sais que mon sort est scellé, ne t’inquiète pas.
Tu l’ignores peut-être mais, malgré ma frêle allure, je suis un vaillant soldat. Et je suis déterminé à me battre, vaille que vaille, jusqu’à mon dernier souffle. C’est une question de principe. Rien n’est grave finalement.Tout va plutôt bien, malgré les apparences. Vois-tu, j’ai déjà pris mes dispositions. J’ai même réussi à coucher sur papier mes dernières volontés.
J’ai pris le soin de dire à tous ceux que j’aime, combien je tiens à eux: ma femme, mes enfants, mes amis et tous mes proches. Je crois que je n’ai oublié personne. J’ai l’esprit serein, le cœur léger et déjà la tête dans les étoiles. J’attends juste le hurlement du grand vent qui m’emportera loin de ce monde. Car, je sais que là où je vais je ne serais ni seul ni malheureux.
Mon âme s’habituera très vite à la compagnie de celles des morts. Je me nourrirais de tout l’amour que je laisse derrière moi. Je serais au calme, délivré des affres de ton acharnement impitoyable. Je n’aurai plus besoin de faire semblant d’aller bien. Je serais libre, enfin! Touché par la grâce. Heureux.
Et te voilà ce matin planté droit devant moi, vêtu du sinistre manteau de la mort. A l’heure où certains s'apprêtent à prier dieu et d’autres le diable. Où la rosée perle sur la végétation qui se balance au gré du vent.Tu n’as même pas la délicatesse de me laisser faire mes adieux correctement. Mais peu importe. Fais ce que tu veux. Je t’ai déjà dit que j’étais prêt.
Il ne me reste plus désormais que quelques secondes. Aussi, à toute vitesse, le film de ma vie défile dans ma tête: mes joies, mes peines, mes amours, mes erreurs, mes échecs, mes réussites. D’un geste de la main, je salue une dernière fois le soleil qui s'apprête à inonder de ses premiers rayons la terre que je quitte. Et puis je ferme les yeux doucement. Et c’est fini.
18:53 Publié dans Mes p'tites histoires | Lien permanent | Commentaires (0)
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