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16/12/2009

Obama, sous l'oeil du temps qui passe

Les sondages sont en chute libre dans son pays. Partout ailleurs, l'impatience monte d'un cran et les critiques commencent à fuser. Dans le Monde arabe, par exemple, une certaine presse va même jusqu'à à se poser cette "fondamentale" question de savoir si l'homme dont la planète toute entière s'était levée, il n'y a pas si longtemps, pour saluer la cruciale investiture à la tête de la première puissance mondiale n'était pas, au final, un nouveau Bush? Et puis il y a ce fameux Prix Nobel de la paix, dont les détracteurs accusent les membres norvégiens de l'éminent comité d'avoir manqué de discernement, en attribuant le prestigieux trophée à un président à peine installé au pouvoir et engagé dans deux guerres, bien que celles-ci soient héritées, faut-il le rappeler, de son prédécesseur. Qui plus est, ô scandale, s'apprête à envoyer dans les prochaines semaines, 30 000 GIs en Afghanistan, demandant au passage des renforts substantiels aux pays membres de l'Otan! Il semble si loin donc, le temps où Barack Obama, puisque c'est de lui qu'il s'agit, apparaissait aux yeux de tous comme le nouveau «Messie» dont on attendait, avec une certaine béatitude, qu'il résolve, d'un coup de baguette magique, tous les problèmes du monde: l'insupportable conflit israélo-palestinien, la question du réchauffement climatique, les programmes nucléaires, la crise financière, le chômage, les inégalités entre riches et pauvres, la faim dans les pays en développement, la démocratie, surtout là où l'on en a jamais vu la couleur... Et pendant que l'on y était, notre hyperprésident pouvait tout aussi bien, n'est-ce pas (on allait pas se gêner), obliger notre patron à nous augmenter après des années de bons et loyaux services, empêcher notre voisin de nous casser les oreilles le weekend avec ses travaux à la c..., faire en sorte que notre rejeton soit le premier de la classe et nous obéisse au doigt et à l'oeil, qu'il n'y ait plus de grèves de transports en commun, que l'on ne croise plus que des gens honnêtes, bien intentionnés et «adoooraaables»!!! etc. Partout, le même vent d'espoir quasi irrationnel s'est levé, des ghettos de Chicago aux studios de Hollywood, en passant par les rues de Paris, de Londres, de Berlin, d'Alger, de Tunis ou de Tokyo; des bidonvilles de Soweto aux "maquis" surchauffés d'Abidjan; des camps de réfugiés du Darfour, du sud Kivu, de Cisjordanie, jusqu'aux trottoirs de Manille ou les bas-fonds désolés de Calcutta. En gros, tout devait être parfait ici-bas, désormais.Tel était le «deal» puisque, rien ne pouvait résister à cet être d'exception que la Providence nous a envoyés pour garantir notre salut. Et voilà qu'à moins d'un an d'exercice, notre certitude de nous trouver devant un «demi-Dieu» aux pouvoirs illimités s'ébranle, et notre enthousiasme de retomber comme un soufflet. Ainsi va le monde d'aujourd'hui, avec ses paradoxes, sa schizophrénie et son infinie inconstance. Jamais aucun président n'a eu autant de responsabilités et de pression sur les épaules! Pourtant, le nouveau chef de l'exécutif américain (et non pas du monde, ce que l'on a tendance à oublier), n'a pas encore failli à sa mission, loin de là, malgré le scepticisme ambiant. Mais peut-être échouera t-il, après tout? Qui sait? Ce ne sont pas les raisons qui manqueraient, d'autant que les défis qu'il a à relever sont aussi démesurés que les espérances placées en lui. En attendant, droit dans ses bottes et parfaitement conscient de l'immensité de sa tâche, le nouveau locataire de la Maison Blanche continue son petit bonhomme de chemin avec persévérance et dignité, se plaçant bien au-dessus du symbolisme ayant accompagné son élection et sans trop se soucier du tapage fait autour de sa personne. Rien en tout cas, jusqu'ici, ne permet de douter ni des convictions, ni des efforts déployés par cet homme singulier, il est vrai, qui allie avec une aisance naturelle peu commune, à la fois l'intelligence, le charisme, la classe et l'humilité. Un homme manifestement épris de justice, ayant inscrit l'action de son administration dans le cadre d'une diplomatie multilatérale, du dialogue entre les hommes et les nations donc, y compris les plus réfractaires à sa vision humaniste et non moins pragmatique du monde et de la politique. Certes, les résultats tangibles des certaines initiatives qu'il a lancées sur le plan intérieur comme sur le plan international se font encore attendre: fermeture de Guantanamo et des «sites noirs» de la CIA, réforme du système de couverture maladie, retrait organisé d'Irak, engagement face au défi climatique et environnemental..., et l'on sait fort bien ce qu'a donné, pour l'instant, sa volonté affichée de discuter avec l'Iran, la Corée du Nord et Cuba. Dans un contexte planétaire économique, social et géopolitique particulièrement catastrophique, ces initiatives obéissant à des processus complexes liés aux enjeux immédiats, aux mécanismes diplomatiques et au fonctionnement même de la démocratie américaine, demeurent également tributaires des lobbies les plus tenaces en tous genre. Il n'en reste pas moins que les analystes politiques les considèrent comme étant les plus courageuses et les plus sensées qu'un président américain ait prises depuis des décennies. Et bien que l'on aurait souhaité, bien entendu, plus d'efficacité de sa part sur des dossiers brûlants tel que celui du Proche Orient et de la question israélo-palestinienne, beaucoup d'entre-nous aimerions voir certains dirigeants, élus ou autoproclamés, lui emprunter un peu de son sens de l'état et de sa fonction, de son volontarisme, de son imagination, de l'élégance de son style de gouvernance, en vue d'accomplir au bout de plusieurs mandats consécutifs, ce que lui a essayé d'entreprendre en quelques mois. Pour sûr, l'on ne se rend pas encore bien compte de la profondeur des changements que ce personnage peu ordinaire essaye d'introduire depuis son arrivée au pouvoir. Ceci étant, Barack Obama ne s'est jamais pris pour un Messie, pas plus qu'il ne tire le moindre orgueil de son Prix Nobel de la paix dont il fut d'ailleurs le premier à reconnaître que d'autres le méritaient sans doute plus que lui. Quoi qu'il en soit, la fascination que suscite le premier président noir des Etats-Unis d'Amérique ne s'est en rien altérée, chez les foules comme chez ses homologues qui se bousculent toujours, à chacun de ses déplacements, pour apparaître à ses côtés sur la photo. Nul doute que son mandat ne suffira t-il pas pour concrétiser ses rêves d'un monde un peu plus juste, ni peut-être même satisfaire assez les attentes de ceux qui l'on élu afin que, dans trois ans, ces derniers lui renouvèlent leur confiance. Peu importe! En attendant, ce descendant des pêcheurs de l'ethnie Luo enracinée en bordure du lac Victoria, héritier naturel d'Abraham Lincoln, de John Fitzgerald Kennedy et de Martin Luther King aura au moins, à ce jour, réussi l'exploit de redonner crédibilité et intelligence à une présidence américaine qui en manquait cruellement.

 

16:07 Publié dans Mon oeil | Lien permanent | Commentaires (3)

28/04/2008

Merci et chapeau bas monsieur Césaire

Et voilà que le lion a tiré sa révérence. Le maître de la forêt des pieds nus, Césaire, le tant Aimé. Pour sûr, il va manquer à nombreux d’entre nous. Le chantre de la négritude. Celui qui a su, mieux que n’importe qui d’autre, dire non à l’ombre, aux ténèbres de l’asservissement de l’homme, au racisme et aux injustices sous toutes ses formes. Fort heureusement, il nous reste sa voix grandiose, qui résonnera longtemps encore dans nos oreilles et dans celles des générations à venir. Cette parole fondamentale, volcanique, rebelle, clamée dans cette langue à nulle autre pareille, qui s’est chargée de dénoncer non seulement le sort réservé à l’homme Noir depuis des siècles, mais bien au-delà, de traduire les interrogations, les angoisses, la soif de liberté et les espérances de l’humanité tout entière dans la société contemporaine. A sa disparition il y a quelques jours, à l’âge de 94 ans, le grand homme n’est pas entré au Panthéon, comme l’ont réclamé, non sans arrières pensées, des membres de la classe politique hexagonale. Certes, le prestige du lieu sied tout à fait à cette figure d'exception. D'aucuns auraient même évalué le geste comme étant un juste retour des choses pour celui qui, de son vivant –et dieu sait si cette  plume immense l’aurait mérité- n'a pas eu non plus sa place à l’Académie Française! Pas dupes, ses proches ont préféré la belle terre de Martinique pour laquelle, le poète comme l’homme politique qu’il était a tant donné et où il repose, désormais, auprès des siens. Mais alors que l'homme de l'abject discours de Dakar a décidé d'offrir des funérailles nationales à Césaire, ce légendaire insoumis qui avait d'ailleurs refusé de recevoir, il y a deux ans, l'ancien ministre de l'Intérieur devenu président, pour cause de projet de loi sur "le rôle positif de la colonisation", il ne s’est pas trouvé –quel scandale!– un seul chef d’Etat, ancien ou actuel, de cette Afrique que l’ami de Senghor a tant chantée et portée toute sa vie dans sa chair et dans son esprit, pour venir saluer sa dépouille. Incompréhensible et impardonnable. Mais l'heure n'est point aux procès inutiles, voulez-vous. Laissons les uns à leurs velléités ambiguës de rédemption et les autres, à leur confortable amnésie. Pour honorer sa mémoire, le mieux serait de découvrir ou de redécouvrir les textes (poèmes, essais, pièces de théâtre…) de cet illustre écrivain. Cet être unique, raffiné et pétri d'intelligence dont André Breton disait -littéralement bouleversé lorsqu'il fut confronté, par hasard, en 1941, à la puissance du " Cahier d’un retour au pays natal " (eouvre majeure et fondatrice, que Césaire a écrite à seulement 25 ans)-, qu’il était "non seulement un Noir mais tout l’homme… le prototype de la dignité".

16:10 Publié dans Mon oeil | Lien permanent | Commentaires (0)