26/09/2006
Signes du temps
C’est sans grand intérêt, mais il me vient l’envie de revenir sur quelques anecdotes liées à l’actualité de ces dernières semaines. Comme ce show pathétique que nous a offert, lors de la grande messe de l’université d’été de l’UMP, le nonchalant rappeur dissident de la banlieue parisienne, Bruno Beausir, connu sous le nom de Doc Gyneco. L’on a vu donc celui-ci s’afficher, comme le veut la tendance "people" actuelle de la politique, au bras de Sarkozy, le bouillonnant ministre français de l’Intérieur, président du parti de la majorité et accesoirement candidat déclaré à la Présidentielle de 2007. On connaissait du rappeur aujourd’hui embourgeoisé et dont la carrière avance comme lui, à 2 à l’heure, les textes acides de ses débuts, son goût de la provocation et, surtout, depuis quelques années, son statut de rigolo de service sur les plateaux télé. On découvre au grand jour son opportunisme et toute l’étendue de sa bêtise, noyant sans scrupules, sous les volutes de ses prétendues convictions, les mémorables sorties de celui qu’il nomme avec une ironie douteuse, son « petit maître à penser »: le Kärcher, les expulsions intempestives et surmédiatisées, l’immigration choisie et j'en passe... On se demande contre quelle promesse, l’actuel locataire de la Place Beauvau s’est-il attiré les faveurs, ô combien dérisoires, de l’ex-enfant des cités? Un ministère ? La légalisation du cannabis ? Une opération tous azimuts de rachat de ses disques qui traînent dans les bacs? Je vous avais prévenu, ceci est vraiment le genre d’info sans intérêt qui, au mieux, fait juste sourire doucement.
Une autre info révélatrice d’une bêtise d’une tout autre nature, bien plus sournoise et pernicieuse, celle de la pensée que l'on formate et de la raison qui fout le camp. Cette fois, l'alerte nous est parvenue du conseil représentatif des associations noires de France (Cran) et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap). De quoi est-il question? De l'édition 2007 du Petit Robert dont les deux associations réclament "le retrait pur et simple" pour sa définition des mots "colonisation" et "coloniser". Pour le premier le cher Petit Robert nous donne à lire ceci:"mise en valeur, exploitation des pays devenus colonies". Et le deuxième: "coloniser un pays pour mettre en valeur, en exploiter les richesses". Les deux associations appellent également à "la mise en place d'un groupe d'étude" afin de réfléchir à une autre définition des mots incriminés. Dans son communiqué, le MRAP dénonce "cette nouvelle tentative de réhabilitation et de glorification du colonialisme" et accuse le Petit Robert de "reprendre à son compte l'esprit de la loi du 23 février 2005 qui reconnaissait à la colonisation française un rôle positif". En ce qui me concerne, j’ai plutôt une pensée pour l'un de mes professeurs de français qui se donnait un mal fou à m'inculquer les vertus de la fameuse institution dont le rôle, faut-il le rappeler, est de nous éclairer et non de nous brouiller les esprits, déjà bien malmenés par la vanité, la folie des hommes, l'exclusion et l'intolérance ambiantes.
Pour finir, le 11 septembre dernier, l’on a commémoré comme il se devait, le cinquième anniversaire des terribles attaques terroristes qui ont pulvérisé les tours jumelles du World Trade Center et endeuillé l’Amérique. Avec leurs 3000 victimes dont des ressortissants de plus de 90 pays. Ce jour-là, l’ambassadeur des Etats-Unis au Kenya s’est rendu à Enoosaen, un petit village massaï du sud-ouest du pays aujourd’hui connu pour avoir fait don, peu après les tragiques événements, de 14 vaches au peuple américain. Par son geste que l’on peut observer de loin comme étant décalé, ce peuple de pasteurs dont la vache constitue le bien le plus précieux, la richesse essentielle de son économie traditionnelle, voulait témoigner son soutien et sa solidarité envers un autre peuple frappé par le malheur. Ni plus, ni moins. Un acte spontané et totalement désintéressé qui relève des valeurs culturelles de cette communauté, comme l'on en compte souvent chez ceux qui ne possèdent pas grand chose, mais pour lesquels il est pourtant naturel, de tout partager avec les autres. Et donc Monsieur l’ambassadeur a fait le déplacement, afin de remercier le village Massaï et ses habitants pour leur cadeau, qui n’a d’ailleurs pu être acheminé aux Etats-Unis pour « des raisons douanières et sanitaires ». Mais, surtout, pour annoncer l’octroi de 14 bourses scolaires – eh oui, pas 12 ou 20, mais 14, soit une pour chaque vache donnée- destinées à des jeunes originaires de ce village. La compassion, le respect de l'autre seraient-elles donc une simple question d'arithmétique? J’ignore ce que ces 14 futurs étudiants vont apprendre en Amérique. Plein de choses intéressantes, sans aucun doute. Mais une chose est sûre: la générosité et la classe, ils en ont naturellement à revendre et à distribuer par brassées, en l'occurence, aux autorités de la première puissance du monde.
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31/08/2006
Mon nom est Maoré... Mayotte, si vous voulez
L’« île aux parfums » !!! Je sais, ce doux nom auquel je réponds souvent, sonne aux oreilles des touristes éventuels comme une belle promesse de détente et de bien-être. Tant mieux. Quant à moi, je n'ai pas l'esprit assez libre pour me laisser enivrer par les effluves de cette fleur qui pousse sur mon flanc depuis toujours! Cette fleur fort prisée par les grands parfumeurs de ce monde, qui ne me rapporte quasiment rien. Autant vous prévenir tout de suite: j'ai très peu à voir avec cette image de carte postale que l’on se fait habituellement, depuis l’Occident, de ces petits morceaux de terre lointains, bordés comme moi par l’océan. Tout autour de ma petite stature en forme d’hippocampe s’étale une mangrove, en lieu et place des plages au sable fin où les clients d’hôtels de luxe en mal de soleil et de sensations exotiques pourraient se prélasser à longueur de journée. Mais bon, là n’est pas le problème, j’en conviens. Le vrai souci est que, malgré mes grands airs, mon allure détachée et mon sourire affiché de nuit comme de jour, je suis un nœud de tourments, de paradoxes, de mensonges, de lâchetés bien partagées et de contradictions. J’ai des fourmis dans les jambes et dans ma tête, un gros bazar. Je crois même que j’ai carrément perdu la raison. A tel point que je ne sais plus vraiment comment je m'appelle, ni d’où je viens et encore moins où je vais. Devant moi, c’est le brouillard complet. Voilà des années maintenant, que j’entends souffler les vents des mauvais jours et gronder dans mon ventre, la haine et les tensions grandissantes. Mon voisinage craint même, à juste titre, qu’un de ces quatre matins, je n’explose. Et que le feu qui jaillirait, alors, de mes entrailles n’embrase toute la région. Au fond, je suis complètement perdue. Tout a commencé, il y a un peu plus de 30 ans lorsqu’un jour, suite à un fabuleux tour de passe-passe, je me suis réveillée « française ». Officiellement séparée de mes trois îles-sœurs vouées, dès lors, à un autre destin pas très enviable, loin s’en faut. Ne me demandez surtout pas comment ni pourquoi. D’autres plus calés que moi sur ces questions de droit international, à commencer par les Nations-unies, n’en sont toujours pas revenus. Je sais seulement que ceux qui m'ont mis dans cette posture incongrue ne savent plus trop quoi faire de moi et me traînent, depuis, comme un boulet. Normal, je n’ai ni pétrole ni rien du tout à leur offrir en retour. Me voici donc aujourd’hui, accrochée comme une damnée, à leurs salutaires subventions au léger goût de cyanure. Cela me permet, au moins, de faire bonne figure, même si les états d’âme, les remords, les scrupules, c’est pas mon fort. Vous savez, il y a belle lurette que j’ai jeté dans mon lagon ma fierté, ma vertu, en même temps que mon passé et mon histoire. Aussi, lorsque l'on me bassine avec le sort de ceux qui furent les miens, jadis, qui viennent mourir chaque année, par centaines, non loin de mes côtes, en tentant de traverser à bord de petites embarcations de fortune, le minuscule bras de mer qui nous sépare, eh bien, cela me laisse complètement indifférente. Celui de ces milliers d'autres que l’on reconduit chaque jour en masse à la frontière, après avoir subi toutes sortes d’humiliations et de tracas, ne m'empêche pas non plus de dormir. La sacro-sainte patrie des droits de l'Homme a ses raisons que la raison ignore. Moi, en tout cas, je n’ai qu’une seule et unique préoccupation : accéder le plus vite possible, au statut béni de département de la douce France et jouir allégrement du même traitement que le Lubéron ou la verte Normandie. C’est mon obsession, ma raison de vivre, ma respiration. Le reste, ma foi, est une autre histoire !
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