20/10/2006
Rectificatif à propos de l'article "Quand l'Afrique se soutrait à la marche du monde..."
Voici un mot que j'ai reçu de l'auteur de ce texte dont je vous parlais il y a quelques jours.
"je viens de lire sur votre site mon article : Quand l'Afrique se soustrait à la marche du monde... Je voudrais juste vous demander de rectifier l'intro, je suis canadien originaire du MALI et non du Sénégal. Je suis donc Canado-Malien. Mercid'avoir permis à beaucoup de gens de me lire. Ayant fait le CESTI de Dakar, je sais que mes amis sénégalais ne se tromperont pas".
Ousmane Sow
à Montréal
Voilà, c'est chose faite.
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18/10/2006
Ah! que c'est beau le génie!
Je voudrais vous dire deux mots, comme ça, sans prétention aucune, sur un auteur que j’aime beaucoup et qui représente, pour moi comme pour tous ceux qui ont le privilège de connaître son travail, l’une des plus belles plumes actuelles de la scène théâtrale francophone. Il s’agit du québécois d’origine libanaise Wajdi Mouawad. Au cours d’une interview que celui-ci m’avait accordée, il y a trois ans, lors de la 20ème édition des « Francophonies en Limousin » -ce festival international annuel installé à Limoges (France), dédié aux arts de la scène et aux créateurs francophones-, où il venait présenter, à l'époque, sa dernière pièce Incendies,voilà ce qu’il déclarait :« Une histoire, c’est quelque chose que je n’invente pas, mais que je rencontre ». Imaginez alors un dialogue entre une idée et cet esthète de l’écriture, d'un peu plus de 30 ans, timide comme pas deux, qui est entré au théâtre, voilà une dizaine d'années, comme l’on entre dans les ordres. « Bonjour, je m’appelle Forêts, j’ai un copain du nom d’Incendies, qui m’a dit beaucoup de bien de vous. Lui même vous a rencontré parce qu’un autre copain qui s’appelle Littoral, n’avait de cesse de lui parler de vous. Seriez-vous d’accord, pour faire un bout chemin avec moi ?" Et l’auteur de répondre : « bien sûr, puisque les amis de mes amis sont aussi mes amis ». Non, non, ne vous emballez pas s’il vous plaît ! Je tente de vous dire que Wajdi Mouawad est un surdoué de l’écriture et de la mise en scène (en l'occurence de ses propres textes), pas un illuminé. Un artisan des mots hors pair, qui entretient, d’une pièce à l’autre, des relations très intimes avec ses personnages. Lesquels, sont échafaudés minutieusement et de façon collégiale avec les comédiens qui les incarnent sur scène. C’est donc ainsi qu’est née cette trilogie reposant sur la question de l’héritage et dont un fil « sensible » reliant les trois histoires entre elles, a permis à Wajdi Mouawad d’aborder, à chaque fois, le thème de façon différente. La première pièce (Littoral), retrace le parcours d’un jeune homme né, quelque part en Occident, d’un père d’origine étrangère et qui, à la mort de ce dernier, se retrouve avec son corps sur les bras. Déséspéré de ne pouvoir l'enterrer sur place, il va se lancer dans une longue errance, sur le fil des origines, afin de tenter de trouver une sépulture à son géniteur. Une quête qui le conduira jusqu'à la terre de ses ancêtres, hélas, devenue un champ de ruines à cause de la guerre. La deuxième, Incendies met en scène une jeune fille qui cherche à comprendre les raisons du silence obstiné de sa mère. Et c’est une sorte de boite de pandore qui s’ouvre devant elle et où elle plonge, sans filets, dans l'espoir de retrouver, un à un, les bouts de vérité qui vont lui permettre de recoudre le tissu de sa propre vie. Quant à la troisième pièce, Forêts, à l'instar des deux autres, respectivement en 1998 et en 2000, elle fut, dernièrement, l’une des perles de la 23ème édition des Francophonies. Un chef-d'euvre absolu (n'ayons pas peur des mots!). Il est donc toujours question, ici, rapelons-le, d’héritage, mais cette fois, de celui, inconscient, que l’on nous transmet dans le silence, au fil des années, des générations. Il s'agit de cette seconde mystérieuse, dissimulée sous les plis du temps, autour de laquelle semble, pourtant, s’être scellé le sort d’une destinée et d’une vie entières. Une infime seconde où, quelque chose d'important s'est ainsi joué pour nous, à notre insu et qui a, un peu trop souvent, l'incroyable pouvoir de nous broyer, à l'envi, le quotidien. Sans que, a priori, nous puissions en échapper. Dans cette pièce, Wajdi Mouawad met en scène 7 générations de femmes qui vont tenter, quatre heures durant (ça passe très vite rassurez-vous), de résoudre l’implacable équation qui consiste à construire le présent et le futur, avec un legs familial dont on ignore l'essentiel. Puis, les étapes par lesquelles il faut passer, parfois, avant d’arriver à donner un sens à son existance, à vivre, tout simplement. Que vous dire ? Ce sont tous trois des textes d’une puissance et d'une beauté inouïes, remplis d'amour autant que de rage et servis, avec justesse, par des dialogues ciselés, saupoudrés d'un zeste d'humour féroce placé là où, justement, l'on s'y attend le moins. Le tout porté par des acteurs tous habités, capables, par moments, de se livrer à des face-à-face explosifs qui vous remuent jusqu’au tréfonds. Forêts, Ce dernier spectacle d'un auteur fort singulier et au succès modeste, va tourner un peu partout en France, en Europe et au Canada. J'aurais souhaité de tout coeur, qu'un jour, il aille à la rencontre de publics d'autres aires francophones, notamment ceux d'Afrique et du monde Arabe. Et pourquoi pas? En tout cas, si jamais vous en entendez parler près de chez vous, courez-y vite, je vous promets que vous ne le regretterez pas. Quant à Wajdi Mouawad, il vient d’être nommé directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts à Ottawa, poste qu’il occupera à partir de septembre 2007. Lorsque nous nous sommes revus il y a quelques jours, j’ai été soulagée d’apprendre qu’il n’a aucune intention de ranger sa plume dans sa poche durant ce mandat. Ni de perdre la trace de tous ces personnages qui le nourrissent d’idées nouvelles et nous apportent, le temps d'une représentation, quelque chose ayant la couleur du bonheur à l'état pur. Et l'admirable faculté de nous faire réfléchir, ce qui ne gâche rien, bien au contraire. On est bien d’accord !
17:10 Publié dans Des arts et des artistes | Lien permanent | Commentaires (0)