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10/01/2011

Le "sage" d'un autre monde

Tu es d’abord cette paire d’yeux, immenses, légèrement voilés, sans expression, vides. Histoire, peut-être, de brouiller les pistes. Pour que personne ne puisse plonger les siens dedans et y lire quoi que ce soit. D’ailleurs, tu passes ton temps à contrer toute tentative d’intrusion dans ta bulle. Il te suffit pour cela de tourner la tête ou de fixer un point, n’importe où dans l’espace. Et te voilà enfermé à double tour. Après, chacun peut bien parler, aller et venir. Le monde peut bien tourner ou s’écrouler. Ca peut jacasser autour, rire, s’amuser ou s’enflammer pour tout et n’importe quoi. Rien à faire. Tu t’en fous. Ou peut-être pas. En tous cas, tu ne bouges pas un cil. On se protège comme on peut, n’est-ce pas ? Ta stratégie est bien rôdée. Question d’expérience. Car, malgré ton beau et doux visage aux lèvres d’où jamais rien ne sort et auxquelles ne s’accroche le moindre sourire, ce corps d’un enfant de douze ans que tu arbores, tu ne peux nier que la Grande Horloge affiche pour toi vingt sept printemps. Mais ceci est ta carapace, ton bouclier contre un monde que tu t’efforces d’observer ou d’ignorer, à ras du sol. Allongé que tu es toute la journée dans la poussière, à l’entrée de la maison sans âge et aux murs décrépis de tes parents, en contre bas, à dix mètres à peine de la vieille mosquée aujourd’hui désertée par les hommes du village pour celle, flambant neuve, en bordure de route. Un peu comme si tous ces gens que tu regardais prier, bavarder, voulaient te fuir, une bonne fois pour toutes. Comme s'ils voulaient te priver de la musique de leurs prières quotidiennes qui rythmait les secondes, les minutes, les heures et te rendait quelque peu ta place, dans le monde des vivants. Lorsque ton dos et tes fesses recouverts de ton grand  t-shirt râpé ne supportent plus les rayons brûlants du soleil de midi, il est temps pour toi d’aller t’abriter sous la véranda. Mais impossible de compter sur tes jambes. Ces foutues chiffes molles qui semblent être la seule chose ayant, chez toi, accepté l’usure du temps, à force de se frotter contre la terre, de cogner contre le béton et les cailloux. Sans te démonter, tu te traînes, appuyé sur les coudes, la tête rentrée dans les épaules, à la manière d’une tortue et, tu changes de place. Une fois callé contre le mur, face à la mer, tu regardes passer les oiseaux ou tu les écoutes chanter. Tu comptes les feuilles des cocotiers ou des bananiers toujours debout devant toi, droits comme des sentinelles. Ou tu voyages au loin, à travers des contrées inconnues du commun des mortels. Qui sait ce qui peut bien se passer dans ta tête ? Comment tu ressens les choses, les personnes, le temps qui passe? C’est ainsi, égal à toi-même, plongé dans ton mystère, loin des préoccupations futiles de ton entourage, que je t’ai trouvé lorsque je suis revenue, il y a quelques mois. Je devais de parraître bien ridicule, avec mon paquet rempli de choses sans intérêt, ces larmes irrépressibles qui coulaient le long de mes joues. Et mon entêtement insensé à te poser des questions auxquelles tu ne peux répondre ! Je suis venue te rendre visite presque tous les jours pour essayer, en vain, de partager un moment avec toi. Puis, vint cette après-midi, à la veille de mon départ, où j’ai eu le sentiment en arrivant, que tu m’attendais. Que tu étais content de me voir. Là, tu m’as laissé te toucher, te prendre la main, sans me repousser. Et pour la première fois, tu as soutenu mon regard, puis esquissé ce sourire énigmatique qui rappelle sensiblement celui de la Joconde. Tu m’as aussi autorisé -chose rarissime pour ceux qui te connaissent- à te donner à manger. Tu m’as surtout gratifié, lorsque je t’ai demandé si tu m’aimais comme je t’aime, de cet indescriptible son guttural qui m’avait tout l’air d’un « OUI ». Sur le coup, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes. Je garde ce petit "miracle" gravé dans mon cœur, jusqu’à la prochaine fois. In challah. Quand vais-je te revoir, je n’en sais trop rien. Quoi qu’il en soit, je te remercie, Cheiha (ton surnom qui signifie « le sage »), mon "frère" des ténèbres ou du paradis, de m’avoir permis de franchir, l’espace d’un instant, ce mur qui sépare ton monde de silence de celui auquel j'appartiens. Un monde étrange où, à l'inverse, tout n’est que bruit.

05/01/2011

Cameroun : opération SMS, des vœux à 350 millions de francs CFA

Le soir du réveillon, le lendemain ou après (il y a tout le mois de janvier pour ça, n’est-ce pas), vous avez dû, sans doute, adresser par téléphone ou par SMS (c’est plutôt courant aujourd’hui) vos vœux à vos proches, à vos amis, y compris ceux dont vous n’avez pas de nouvelles depuis un an! Remarquez, c’est l’occasion pour reprendre contact, on est d’accord! Les grands de ce monde l’on fait aussi en direction de leurs concitoyens. Pour ce faire, ces derniers utilisent, en général, la radio et la télévision. Certains d'entre eux jouent sur la sobriété du décor ou du discours, ou les deux à la fois. D’autres, selon les enjeux politiques, socio-économiques du moment dans leur pays, se plient à ce rituel en cherchant absolument à innover, avec plus ou moins de succès. Quitte, parfois, à en faire des tonnes. Cette année, les Camerounais ou, pour être plus précis, les 7 millions parmi eux abonnés aux compagnies de téléphonie mobile, ont eu la surprise de recevoir les vœux de leur président par... SMS! Un « billet doux » tout à fait charmant, rempli de « compassion » (certains le garderont peut-être précieusement dans leur boîte de messages) leur souhaitant, entre autres, « santé et succès », signé Paul et Chantal Biya. Avouez qu'à côté, les vœux de notre Sarko national qui, lui aussi, a voulu la jouer « moderne » en faisant diffuser son allocution à la radio, à la télévision, mais aussi sur internet, paraissent bien pâles! Sauf que cette délicate attention du chef de l’état camerounais à l’endroit de ses compatriotes n’est pas si dénuée de calcul, loin s’en faut. Tout comme dans plusieurs pays du continent africain, 2011 est une année électorale pour les Camerounais. Ces derniers devront donc se rendre aux urnes en octobre prochain pour désigner, si tout se passe bien, leur prochain président. Manifestement, leur indéboulonnable chef de l’état -en poste depuis 28 ans- est déjà en campagne. Seulement voilà. Tout compte fait, ses très opportunistes vœux de nouvel an vont coûter au contribuable, la coquette somme de 350 millions de francs CFA (près 540 000 euros). Des nombreuses voix s’élèvent pour crier au scandale. A l'exemple de Jean-Michel Nintcheu, un député issu du Front social démocrate (SDF), principal parti de l’opposition qui, à l'évidence, est prêt à en découdre. Très remonté et ne cherchant point midi à 14 heures, il parle de « véritable provocation » et compte carrément porter plainte « pour gabegie et détournement des deniers publics ». Un avant-goût d’une bataille politique sans merci, qui s’ouvre dans un pays à la peine sur quasiment tous les plans, où les caisses de l'état sont presque vides et où la corruption est tout simplement un sport national. Une chose est sûre: ceux qui ont été l'objet des attentions du couple présidentiel camerounais savent maintenant, si ça n'était pas le cas, qu'ils sont "fichés" dans son répertoire téléphonique perso. L'histoire ne dit pas si, si en bons citoyens bien élevés, ils ont pu répondre au message, par le même canal, pour souhaiter une bonne année et des "bonnes élections" à leur président. 

   

 

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